L’imagerie satellitaire radar : comment ça marche et exemples d’applications
Présentation
Plusieurs satellites d’observation de la Terre sont équipés de capteurs radar. Capables de traverser les nuages et de fonctionner même la nuit, ils fournissent des images très utiles. Très éloignées d’une vision naturelle, ces dernières sont difficiles à interpréter. Explications et cas d’usage.
Un peu de technique
Certains satellites embarquent des capteurs radar. Parmi ces capteurs, les plus courants sont appelés Radars à Synthèse d’Ouverture (RSO ou Synthetic Aperture Radar, SAR en anglais). À la différence des capteurs optiques, ils sont dits « actifs » car ils ne s’appuient pas sur la lumière du soleil pour observer la Terre, mais émettent des ondes électromagnétiques à la surface du globe pour l’illuminer. C’est la puissance avec laquelle un objet réfléchit le signal qui est alors mesurée (aussi appelée rétrodiffusion).
Selon la fréquence et donc la longueur d’onde utilisée (de 2 à 30 cm environ), le capteur sera sensible à certains éléments à la surface de la Terre. Les grandes longueurs d’ondes (Bandes P et L) peuvent pénétrer la végétation, tandis que les plus courtes (bande X) sont plus sensibles à la rugosité de la surface du sol et sont réfléchies par le sommet des arbres.
L’interprétation des images radar n’est pas intuitive car ce qu’ils « montrent » ne correspond pas à ce qui peut être vu à l’œil nu, à la différence des capteurs optiques.
Pourtant la rétrodiffusion du signal fournit des renseignements très utiles sur les propriétés géométriques et sur la nature des objets à la surface de la Terre : rugosité de la surface, type de matériau (fer, bois, béton, organique…), teneur en humidité.
Ainsi, une mer agitée (donc « rugueuse ») apparaîtra en blanc sur une image radar, tandis qu’une trace d’hydrocarbure très lisse et huileuse, sera en noir, tout comme une route au milieu d’une plaine. Les bateaux forment des points clairs ainsi que les constructions et villes, car tous comportent de nombreux angles et réflecteurs qui sont constitués de matériaux « réfléchissant » certaines ondes (éléments métalliques par exemple).
En milieu forestier, les clairières apparaissent en sombre (milieu plus lisse). Mais certaines images radar sont facilement « brouillées » par des éléments en mouvement tels que feuillages ou fortes pluies. Et parfois, elles sont difficiles à interpréter.
Deux images acquises avec une polarisation différente (façon dont le faisceau d’onde est orienté vers la Terre) révèlent parfois des variations délicates à expliquer.
Quelques usages
Milieu maritime
Les satellites radar permettent par exemple de mesurer la hauteur des vagues, une information utile pour les prévisions météo ainsi que pour les opérateurs de plates-formes pétrolières.
En eau peu profonde, il est possible de détecter les courants marins ainsi que des bancs de sable non affleurant (effets de vaguelettes).
En comparant les traces des bateaux aux signaux des balises AIS (balises de signalement obligatoire), les forces armées et les services des douanes peuvent identifier des bateaux qui pratiquent la pêche illégale ou qui sont à l’origine d’une pollution par hydrocarbure.
Les marées noires et pollutions par hydrocarbures, sont visibles, bien avant qu’elles n’atteignent les côtes. Par exemple, en mars 2019, l’agence européenne de sécurité maritime a fait appel à CLS, filiale du CNES, d’ARDIAN et de l’IFREMER, pour suivre le naufrage du Grande America dans le golfe de Gascogne. L’alerte est donnée à 20 heures le dimanche 10 mars. Une première image radar est acquise à 7h31 le lundi qui montre le navire mais pas de pollution. Mais le 13 au soir, de nouvelles images permettaient de détecter la pollution.
Les satellites canadiens (Radarsat) sont exploités pour le guidage opérationnel des navires dans les eaux du Grand Nord.
Milieu terrestre
Dans le cas d’inondations, qui surviennent généralement par mauvais temps, les images radar s’avèrent précieuses car elles ne sont pas gênées par les nuages, elles peuvent donc être acquises très peu de temps après l’événement. Les zones d’extension de la crue y sont très visibles. Elles sont ainsi régulièrement utilisées en « premières images » dans le cadre de la Charte Espace et catastrophes majeures ainsi que dans Copernicus Emergency Services (voir fiche « Crises majeures : comment mobiliser l’imagerie satellitaire ? »).
En Guyane, des images Sentinel-1 sont utilisées afin de détecter les zones de déforestation deux fois par mois, exploitée dans le cadre des activités minières (lutte contre l’orpaillage illégal mais également surveillance des engagements d’exploitation pour les sites autorisés). Une méthodologie légèrement différente permet à la DAAF de Guyane de suivre la déforestation et détecter ainsi des mises en culture.
Dans les zones tropicales, quand les images optiques sans nuages sont difficiles à obtenir, les données radar sont exploitées pour suivre certaines cultures (riz par exemple).
Dans les grandes zones agricoles (Canada par exemple), des méthodes ont été mises au point pour suivre l’état de différentes cultures (types de culture et degré d’humidité).
Environnement arctique : Sentinel-1 est utilisé pour mesurer régulièrement la surface des glaces arctiques.
Zoom sur l’interférométrie radar
L’interférométrie est une technique un peu particulière, sorte d’équivalent de la stéréoscopie pour l’optique, mais exploitable à des échelles bien différentes. Outre la production de grands modèles numérique de surface comme SRTM ou WorldDEM, l’interférométrie peut mesurer des mouvements de sol de quelques millimètres, tant qu’il n’y a aucun élément qui vient perturber le signal radar tel que le feuillage.
Dans ce cas, c’est la différence entre le temps d’émission/réception du signal à différents moments qui est mesurée et indique une déformation (tassements, glissements par exemple). La présence d’une importante archive d’images (les premiers satellites radar datent des années quatre-vingt-dix), permet de remonter le temps et de suivre l’évolution du terrain sur le long terme. Cette technique est exploitée dans plusieurs domaines comme la surveillance d’infrastructures telles que barrages, ponts, voies ferrées, aéroports mais également réservoirs de gaz, grands établissements industriels, mines, etc.
La ville de DAX a été récompensée en 2017 pour son usage de l’interférométrie radar dans la prévention des risques, à la suite d’études menées régulièrement avec Tre Altamira, une filiale de CLS. Des risques d’effondrement sur d’anciens bâtiments industriels ont ainsi pu être identifiés.
Les déformations liées aux grandes opérations de génie civil des chantiers du Grand Paris Express sont également suivies par interférométrie radar.
L’accès aux images
Les données Sentinel-1 sont accessibles gratuitement sur les différents serveurs Copernicus (voir fiche Copernicus). Mais attention, les images sont volumineuses et ne sont pas directement photo-interprétables. Il faut donc disposer d’outils de traitement des données.
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PEPS (CNES)
Vous ne souhaitez pas vous lancer seul ?
Il existe des entreprises qui ont des compétences dans le domaine du radar et assurent des prestations diverses. Une bonne porte d’entrée : l’annuaire des géo-entreprises de l’Afigeo.
Le CESBIO (Centre d’études spatiales de la biosphère) est un laboratoire de recherche situé à Toulouse dont une partie des équipes travaille sur les capteurs radar et notamment sur la définition du futur satellite Biomass.
I-Cube SERTIT (Service régional de traitement d’image et de télédétection) à Strasbourg est une plateforme technologique et de service de l’université, dédiée à la production d’information par télédétection, principalement spatiale. Elle utilise régulièrement les images radar dans ses activités de cartographie rapide post-catastrophe (elle est l’une des structures assurant la production des services Copernicus d’urgence) et propose ses services à différents acteurs publics.
Pour aller plus loin : Quelques satellites radar
Plusieurs satellites radar sont aujourd’hui opérationnels. Ils permettent tous des acquisitions selon plusieurs modes, allant de très grandes fauchées avec une faible résolution à des acquisitions très ciblées à haute résolution :
- Bande X (2,4 - 3,75 cm) : Terrasar-X et Tandem-X (Partenariat Airbus/DLR allemande), Cosmo Skymed (Agence spatiale italienne), PAZ (satellite espagnol). Ces satellites sont surtout exploités pour constituer des modèles numériques de terrain et de surface sur de vastes territoires (WorldDEM par exemple) ainsi que pour la surveillance maritime.
- Bande C (3,7 5- 7,5 cm) : Sentinel-1 (Copernicus), Radarsat-2 (Canada)
- Bande L (15 - 30 cm) : ALOS/PALSAR (Japon)
De plus, des archives existent en accès libre pour les images acquises dans le cadre des programmes européens par ERS-1, ERS-2 puis Envisat (bande C).
À venir :
Le Canada a lancé le 12 juin une constellation de trois satellites radar, qui prennent la suite du programme Radarsat (baptisée MCR pour Mission de la constellation Radarsat). Ils devraient être opérationnels avant la fin de l’année 2019.
Le satellite BIOMASS sera le premier satellite en bande P (69 cm). Construit par Airbus Defence & Space sous l’égide de l’ESA, son lancement est prévu en 2022. Il permettra de voir le substrat rocheux, la canopée des forêts ainsi que les troncs des arbres sous la canopée. Il pourra donc être utilisé pour mesurer plus précisément les stocks de carbone et mieux comprendre la topographie des forêts tropicales, encore largement inconnue.