Cartographie des espèces végétales exotiques envahissantes sur le réseau fluvial
Copyright : par Sven Lachmann de Pixabay
Depuis une dizaine d’années, Voies Navigables de France (VNF) lutte contre la prolifération des plantes aquatiques exotiques envahissantes (EEE – pour espèces exotiques envahissantes) sur le réseau fluvial en particulier sur les voies à petit gabarit, peu fréquentées.
Ces EEE, dont le Myriophylle hétérophylle, les Élodées, l’Égérie dense ou la Jussie, perturbent les écosystèmes et les infrastructures : elles bloquent les écluses, obstruent les prises d’eau, faussent les mesures de niveau, ralentissent la navigation, provoquent des pannes de bateaux et gênent les loisirs nautiques.
Leur prolifération rapide, notamment celle du Myriophylle (jusqu’à 30 cm/semaine), rend leur gestion difficile. Cet envahissement est de plus en plus important et va en s’aggravant avec le changement climatique. On note par exemple, dans le nord-est de la France, que VNF est passée de 70 km à 300 km de canaux infestés entre 2017 et 2020.
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A l’échelle nationale, VNF intervient chaque année sur environ 500 km de voies parmi les 1 450 km touchés, à l’aide de méthodes curatives : faucardage (découpe sous-marine), moissonnage, arrachage mécanique ou manuel, ramassage. Ces interventions sont coûteuses, pénibles et répétitives. Elles ne suffisent pas à contenir durablement le phénomène.
Pour y répondre, VNF expérimente des solutions innovantes : faucardage hivernal, biotraitements (bulles, inhibiteurs de photosynthèse), outils de suivi et de prédiction. L’objectif est d’anticiper les proliférations, d’en mesurer l’ampleur et de réfléchir à une éventuelle valorisation des biomasses collectées.

Cependant l’anticipation de la pousse des EEE reste un enjeu majeur sur lequel VNF entend agir de façon volontariste, en contribuant à la recherche et à l’innovation pour développer
Un outil précis d’aide à la stratégie de traitement de ces plantes.
Après une phase préliminaire en 2023, concluant à la pertinence de l’imagerie satellite pour cette mission et notamment aux images Pléiades, VNF a missionné une entreprise spécialisée dans le domaine pour élaborer et expérimenter un modèle de cartographie des EEE via imagerie satellite sur une partie de son réseau.
La méthode / en pratique
La méthode en quelques étapes clés :
- Collecte sur le terrain de données fiables et géolocalisées de présence d’herbiers. Ces données serviront à constituer une base de données de référence, subdivisée en un sous-ensemble d’apprentissage et un sous-ensemble d’évaluation, pour calibrer et tester la performance d’un modèle de cartographie semi-automatique. La base de données terrain doit intégrer aussi bien des observations portant sur des herbiers d’espèces exotiques envahissantes (EEE) que sur des herbiers endémiques,
- Développement du modèle de cartographie basé sur des algorithmes de machine learning suivant la démarche Biocoast,
- Déploiement sur les canaux du Grand Est par tests itératifs
- Évaluation et analyse critique des résultats.
Les résultats
Rendu final :


Les avantages et limites de la solution
Les résultats concernant le potentiel de l’imagerie satellitaire pour caractériser l’envahissement des canaux par des herbiers de plantes aquatiques, identifier les fronts de colonisation, et parmi les herbiers, la présence dominante d’EEE à grande échelle sont probants. La constellation Pléiades est identifiée comme présentant le meilleur potentiel.
L’identification des herbiers est obtenue par prédiction statistique à l’aide d’un modèle entraîné par des données de référence acquises en de multiples endroits, en optimisant au maximum la méthode de collecte : la pression d’inventaire en est allégée.
Les modèles de détection et de discrimination des types d’herbier ont été testés rigoureusement à partir de données non intégrées à l’entrainement.
Des erreurs persistent, la méthode reste perfectible afin d’améliorer la qualité du résultat notamment en gagnant en automatisation et en précision.
Les principales confusions rencontrées sont les suivantes :
- Les mélanges à l’échelle du pixel entre végétation des berges et eau peuvent être prédits comme de la végétation aquatique
- La frondaison des arbres au-dessus de l’eau peut être prédite comme de la végétation aquatique
- Les ombres d’arbres projetées sur l’eau peuvent être prédites comme de la végétation aquatique -> surestimation herbiers
Aussi, une potentielle mauvaise prise en compte d’espèces endémiques et invasives trop rarement vues sur le terrain.
Evaluation socio-économique
Bénéfique : une optimisation de la stratégie de traitement des EEE permettrait des économies de temps pour les agents et de dépenses en prestations externes.
Dispositif de financement utilisé
Financement des études externalisées sur fonds propres (<100k€).
Les images Pléiades ont été récupérées sur le portail Dinamis via les quotas de gratuités (3500km² / an) dont dispose VNF en tant qu’EPA.
Transférabilité
- A venir
Perspectives
Travailler sur un nouvel itinéraire VNF pour :
- Limiter significativement les confusions entre végétation aquatique et terrestres
- Affiner la détection des foyers EEE purs
- Travail spécifique sur l’entrainement du modèle
- Intégrer le taux de croissance des plantes
- Exploiter la prédictions multi-classes
- Définir un indice de qualité des enveloppes prédites
- Ajouter des métriques de suivi (envahissement du bief et du chenal en %age surfacique, densité et taux de dispersion des herbiers…)
- Créer des indicateurs d’alerte pour prioriser les visites terrain des opérateurs en charge de la surveillance
- Effectuer une analyse spatio-temporelle de l’évolution des foyers et de l’impact du faucardage via des acquisition d’images mensuelles en 2025
- Capitaliser des données année après année sous forme d’une banque de connaissance géomatique.