Détection des dépôts de déchets sauvages en Seine-et-Marne
Le Département de Seine-et-Marne a centré son projet sur la cartographie des dépôts illégaux et a utilisé l'imagerie satellitaire pour créer une carte unique des sites de dépôts sauvages. Cette cartographie sert d’état des lieux du territoire, et fait partie d’un jeu de données de sources diverses servants d’outil de travail en interne et ponctuellement avec les collectivités partenaires du Département.
Les dépôts illégaux de déchets sont un fléau qui touche tout le territoire français. Près de 90 % des élus locaux se disent concernés, et parmi eux, 45 % se déclarent très préoccupés par ce phénomène. Chaque année, environ 1 million de tonnes de déchets sont abandonnés illégalement, impactant la qualité de vie, l'environnement, la nature, et la santé publique.
De plus, les frais de nettoyage ou de confinement de ces déchets sont souvent élevés pour les entités impactées par les dépôts illégaux : les autorités publiques, les gestionnaires d’espaces naturels (comme les parcs naturels et l'Office National des Forêts) et de routes, ainsi que les agriculteurs et les propriétaires fonciers.
Définitions :
Les dépôts sauvages résultent d’abandons délibérés d’un ou plusieurs objets ou produits de la part de particulier ou d’entreprises, de manière ponctuelle, en dehors des emplacements et installations prévus à cet effet.
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Les décharges illégales sont définies comme des «installations professionnelles dont l’autorisation ICPE (Installation Classée pour la Protection de l’Environnement) fait défaut». Ce sont des dépôts importants, organisés et parfois payant. Dans ce cas de figure, seuls les préfets sont compétents pour mettre en demeure les responsables.
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La Seine-et-Marne n’échappe pas au fléau des dépôts de déchets sauvages
Chaque année, sur les 4 000 kilomètres de routes départementales, entre 800 et 900 tonnes de déchets sont collectées par le Département. La gestion de ces dépôts, incluant le coût des prestataires, les déplacements, les véhicules, et la collecte, coûte entre 800 000 et 1 million d’euros par an au Département.
Pour mieux combattre ce phénomène, le Département noue des partenariats avec les acteurs du territoire, mobilise et met en place des dispositifs et outils (Observatoire dédié, kit de communication, aide pour les opérations citoyennes de nettoyage, bouclier de sécurité…). De plus, le Département renouvelle et intensifie ses actions en propre contre les dépôts sauvages en routes départementales et en Espaces Naturels Sensibles.
En 2023, le Département a passé un marché public avec une société privée pour une campagne d’analyse satellitaire des dépôts en Seine-et-Marne. L’objectif de ce marché était de réaliser un diagnostic précis en détectant les dépôts sauvages d'au moins 10 m².
La méthode / en pratique
La société privée utilise sa plateforme Tereval pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets grâce à une méthodologie innovante utilisant les données satellitaires Pléiades.
- Repérage : Elle utilise des algorithmes avancés sollicitant des réseaux de neurones convolutifs pour cartographier les dépôts sauvages, la source mobilise des images satellitaires haute définition couplées à des données géolocalisées provenant de multiples sources. En Seine-et-Marne, une détection initiale est faite comportant des candidats dépôts dont le nombre est lié au réglage de sensibilité des algorithmes. Dans le cas présent, un fort principe de précaution et une surface minimum très faible étaient paramétrés. Ce premier résultat est ensuite traité par différents croisements automatiques afin d’évacuer un grand nombre de faux positifs, pour ne retenir en sortie que 1232 candidats significatifs.
- Notation et Priorisation : Les dépôts détectés sont ensuite évalués et priorisés. il en résulte une couche comportant des dépôts enrichis d’informations attributaires. La priorisation prend en compte divers facteurs, à la fois environnementaux mais aussi réglementaires et contextuels. Chaque dépôt se voit alors noté selon ces différents critères paramétrables par l’utilisateur, aboutissant à une note de sensibilité, permettant de prioriser les actions à conduire.
- Support à l’Action Terrain : La solution développée anticipe les interventions, aide à la planification et au reporting. Les données sont contextualisées pour une prise de décision optimale, incluant la localisation précise avec différents référentiels (cadastre, adresses etc), le volume et la nature des déchets lorsque qu’une campagne terrain est possible. Des fiches d’intervention automatique sont générées, incluant par exemple des itinéraires optimisés pour la vérification mais aussi pour l’évacuation.
La surveillance est priorisée selon la vulnérabilité des zones, la proximité des ruissellements, des établissements scolaires et des habitations. La gestion de la surveillance des zones prioritaires permet notamment une optimisation des moyens de surveillance existants.
L’orientation des politiques est ajustée en fonction des résultats de détection, par exemple, en analysant la proximité des dépôts aux déchetteries pour identifier les véritables obstacles à leur utilisation.
Les documents de planification existants sont utilisés pour élaborer des stratégies à long terme, optimisant la gestion des déchets et réduisant les risques futurs de dépôts illégaux.
Les résultats
L'application a détecté 1 232 dépôts, dont un échantillon de 350 a fait l’objet de vérifications du Département sur le terrain pour évaluer la fiabilité des détections. Parmi ces dépôts, environ deux tiers correspondaient à des dépôts agricoles et un tiers à des dépôts sauvages, constituant un taux de détection global pouvant être estimé à 89,6 %.
Les avantages et limites de la solution
Avantages :
- Cartographie rapide et référentiels de diagnostic territorial.
- Suivi de l’évolution des dépôts sauvages.
- Priorisation de la surveillance :
- Carroyage selon la vulnérabilité, indiquant la proximité à un ruissellement, à des aléas, à des établissements scolaires ou à des habitations par exemple
- Priorisations des zones à surveiller, par exemple de l’ensemble des territoires (6000 km²) à une zone plus propice aux dépôts illégaux de 22 km².
- Si dépôts sur des parcelles, identification des parcelles pour les interventions (informations sur l'identifiant de la parcelle).
- Orientation des politiques :
- Exemple : nombreux dépôts situés à moins de 10 min des déchetteries. Le problème n’est donc pas le manque et la distance aux déchetteries mais davantage le coût des dépôts.
- Zonage opérationnel du traitement des déchets :
- Accompagnement dans la gestion des zones prioritaires et repérages des zones à risque d’être des futures zones de dépôt, comme les zones de chantier et de construction.
- Détection de mises à feu et connexion avec Météo France pour anticiper les risques de départ de feu.
- Utilisation de documents de planification existants pour élaborer des stratégies territoriales à long terme.
Limites :
- Des images satellitaires : La capacité d’acquisition des images est dépendante des conditions météorologiques. Le seuil d’acceptation de la couverture nuageuse est ici fixé à 20%.
- Seuil minimal de détection : Un seuil de 10 m² peut omettre les dépôts plus petits, tandis que la réduction de ce seuil augmente les faux positifs.
- Différenciation des dépôts : Nécessite un entraînement algorithmique pour distinguer efficacement les dépôts agricoles des dépôts sauvages.
- Compétence de ramassage : La gestion des dépôts sauvages (hors cas particuliers comme les routes ou les forêts domaniales) incombe généralement aux communes qui reçoivent un soutien variable de leur syndicat de collecte et de traitement des déchets. Les petites communes manquent parfois de ressources financières et humaines pour traiter ces dépôts.
Evaluation socio-économique
Nous pouvons estimer le gain opérationnel de manière qualitative :
- Gain en productivité : Les nouveaux outils permettent aux forces de l’ordre d'être plus efficaces dans leurs investigations, augmentant ainsi le nombre d'affaires portées devant la justice.
- Bénéfice environnemental : Avec ces moyens avancés, les autorités peuvent détecter plus tôt les activités illégales et intervenir rapidement pour arrêter les atteintes à l'environnement.
- Dissuasion : L'amélioration significative de l'efficacité des forces de l’ordre et la prise de conscience des criminels quant aux technologies utilisées réduiront progressivement l'attractivité financière des trafics en raison des risques accrus.
- Optimisation de la lutte préventive : Ce repérage permet de mieux prévenir les dépôts sauvages et de quantifier le phénomène, fournissant ainsi des outils précieux pour élaborer des politiques de gestion des déchets.
Le traitement des images satellitaires acquises nécessite cependant des compétences spécifiques en géomatique nécessitant aux collectivités de faire appel à une entreprise externe pour mener à bien ce projet.
Dispositif de financement utilisé
Analyse coûts/bénéfices
Ce projet a nécessité une seule occurrence sur la surface de la Seine-et-Marne de 6 000km², avec la seule volonté de cartographier les dépôts sauvages. D’autres applications sont possibles sur ces images.
- Coûts des images
- Utilisation d’images Pléiades acquises via le dispositif Dinamis.
- Prix des images dépendant de la superficie du territoire et du nombre d’occurrences nécessaires dans l’année. Mais dans le cas de la Seine-et-Marne, la surface est de 6000 km², dont uniquement 2000km² pris en charge par le département. (Environ 4 000€)
- Le CNES a financé une partie du coût d'acquisition des images pour 4000 km² (Environ 8 000 €).
- Autres coûts
- Coûts technologiques : accès et utilisation de la plateforme Tereval. Le prix pour l’abonnement simple est d’environ 2 900€ (en fonction du nombre d’accès, de la surface, des services demandées). C’est abonnement comprend notamment les données documentaires, ainsi que les données chiffrées et localisées présentées plus tôt.
- Coût de l'accompagnement d'un expert : définition des dépôts sauvages, paramétrage des outils, services de support.
Le coût de l’expérimentation pour le Département Seine-et-Marne a été compris entre 25 000 et 30 000€ hors achat d’images.
Ce dispositif a été mené dans le cadre d’un marché public pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets et a été essentiellement financé par le Département.
Dans ce cadre, le département a fait appel à une entreprise privée et a acquis les images Pléiades via le dispositif Dinamis. Le Département de Seine-et-Marne a disposé du quota de 2 500 km² images satellitaires gratuit mis à disposition par Dinamis. Le CNES a également pris en charge 1 500 km² d’images supplémentaires.
Le Département a ainsi acheté les 2 000 km² d'images restantes, pour un coût de 2€ par image.
Transférabilité
Une fois les dépôts sauvages détectés, ils sont cartographiés et en libre accès pour la collectivité achetant la prestation, via une plateforme qui permet notamment de suivre l’avancement de la prise en charge des dépôts.
La plateforme propose des fonctions d’import / export de données utilisées, elle permet également l’export des cartographies ou des graphiques de façon simple et en totale autonomie par l’utilisateur, ce n’est donc pas un environnement fermé, mais bien une ressource utilisant des connecteurs afin de communiquer aisément avec l’écosystème de travail de l’utilisateur.
L’accès à la plateforme ainsi que le stockage sur un temps long est garanti pour la durée de l’abonnement.
Perspectives
Au niveau de la plateforme, elle s’oriente vers des fonctionnalités évoluées de collaboration et de monitoring , permettant un suivi optimal et pérenne des actions conduites par les différents acteurs de la filière.
Le Département a adopté (délibération du 21 Juin 2024) une nouvelle stratégie de lutte contre les dépôts sauvages de déchets, mobilisant les leviers de la prévention, de la résorption et de la répression, comportant l’utilisation de son observatoire dédié, alimenté notamment par la campagne réalisée par la société privée.