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Suivi des panaches turbides et des blooms phytoplanctoniques

Evolution de la couverture végétale dunaire, suivi du trait de côte, mesure des fonds et des herbiers… l’imagerie satellitaire se prête bien à l’étude des zones côtières et marines. Le Parc naturel marin du golfe du Lion étudie ainsi les images satellitaires pour analyser l’évolution des panaches turbides et des blooms phytoplanctoniques en Méditerranée.

Contexte

Doté d’une délégation de service public, le Parc naturel marin du golfe du Lion a en charge l’étude de la cohérence écologique (richesses faunistiques et floristiques, habitats naturels, écosystèmes interdépendants…) et socio-économique (activités professionnelles et de loisirs) de cet espace méditerranéen. Ses missions s’étendent de Leucate (nord) aux limites des eaux sous souveraineté française (sud) ; soit près de 4 000 km² d’espace marin pour environ 100 km de côtes.

Pour éclairer les avis (simples ou conformes) de son conseil de gestion (60 représentants de l’État, de collectivités territoriales, d’organisations professionnelles et d’usagers, etc.), le parc fournit des tableaux de bord basés sur une batterie d’indicateurs. Intégrés dans son plan de gestion, ces indicateurs concernent aussi bien la qualité de l’eau que le suivi des aménagements humains. Ils servent d’outils de suivi des objectifs du parc à 15 ans et de supports d’aide à la décision immédiate.

En coopération avec l’Observatoire de la côte sableuse catalane (OBSCAT), l’Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID Méditerranée) et le Centre de formation et de recherche sur les environnements méditerranéens (CEFREM) de l’Université Perpignan, le Parc naturel marin du golfe du Lion mène un projet d’étude de faisabilité du suivi environnemental par satellite (projet « senvisat »).

Ce projet (2017-2020) porte notamment sur le suivi des panaches turbides (volumes importants d’eaux chargées en matières en suspension, micro-organismes…) et du bloom phytoplanctonique (floraison du phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire dans les mers et océans, signe de leur bonne santé).

La méthode / en pratique

Une des premières actions de cette étude a été de lister les images satellitaires accessibles et d’identifier celles à utiliser en fonction des résultats attendus (et du coût réel de leur acquisition) :

  • Pour le suivi du trait de côte, les images Pléiades s’avèrent de résolution adéquate. Suivre des travaux de rechargement et de dragage demande des images à très haute résolution (50 cm).
  • Pour la visualisation (localisation et répartition) des panaches turbides, il n’est pas nécessaire d’avoir des images très précises. Les images prises par les satellites SPOT 6 et 7 (résolution à 1,5 m) comme celles issues des satellites Sentinel-2 (10 m) suffisent. Ces nouvelles générations de satellites permettent de décrire plus précisément les structures et formes complexes de la turbidité des eaux côtières que celles utilisées par le passé pour suivre les océans (MERIS/MODIS).
  • Pour l’étude du bloom phytoplanctonique, les images Sentinel-2 donnent de bons résultats. Sentinel-2A et Sentinel-2B couvrent 13 bandes spectrales allant du visible au moyen infrarouge. Des canaux qui permettent bien de distinguer la coloration de l'eau par la chlorophylle A et la production primaire. De plus, le temps d’actualisation des images Sentinel-2 est relativement court, avec une fréquence de revisite de 5 jours.

Une fois les images choisies (Sentinel 2, archives 2017-2018) et récupérées grâce à GeoSud, il a fallu trouver un indice approprié au suivi du phytoplancton. Un ratio des réflectances (de 0 = turbide à 5 = eau claire), calculé à partir du rapport de réflectance des canaux bleu et vert (indicateur de Froidefond et al.), a été sélectionné. Cet indice est similaire au Kd490 (indicateur Lee et al.) de Copernicus.

Cet indice a ensuite été appliqué aux images Sentinel-2 récupérées, soit au total 34 images (21 de 2017 et 13 de 2018). Comme ces images présentaient quelques stries, il a été nécessaire de procéder à leur lissage pour obtenir des panaches clairement délimités. La répartition des eaux turbides et des blooms phytoplanctoniques entre 2017 et 2018 apparaissent ainsi nettement.

Optimisation des images Sentinel-2 par lissage (Source : Parc naturel marin du golfe du Lion)
Optimisation des images Sentinel-2 par lissage (Source : Parc naturel marin du golfe du Lion)

 

Après l’analyse de la répartition spatiale des blooms, il restait à étudier leur fréquence d’apparition. Les images Sentinel-2 seules ne permettaient pas d’extraire des séries temporelles d’indices (transformables en concentration de chlorophylle A / production primaire). La comparaison des images fournies par Théia avec d’autres images Copernicus (accessibles sur le Hub de Copernicus) a montré que la corrélation entre les indices de turbidité obtenus devait être améliorée.

Afin d’avoir des états représentatifs à différentes périodes de l’année et sur deux années consécutives (2017 et 2018), les indices identifiés à partir des images Sentinel ont donc été réévalués grâce aux produits de turbidité de Copernicus. Des mesures prises in situ, par des dispositifs (bouée SOLA dans la baie de Banyuls, et point de surveillance 095-P-002 au large de Barcarès) installés par le Réseau PhytObs, ont complété cette méthode de réévaluation.

Les résultats

L’étude de la turbidité grâce aux images Sentinel-2 (Source : Parc naturel marin du golfe du Lion)

L’étude de la turbidité grâce aux images Sentinel-2 (Source : Parc naturel marin du golfe du Lion)

 

Les travaux réalisés entre 2017 et 2018 ont permis d’observer principalement les panaches de turbidité liés aux apports des embouchures lors des crues : leur localisation, leur répartition, leur fréquence. Ces résultats sont maintenant à mettre en perspective avec l’évolution (de la concentration, de la fréquence…) de la chlorophylle A et de la production primaire lors d’évènements exceptionnels (crue, tempête, pollution industrielle…). Une extension de la méthode à d’autres zones du parc est aussi envisagée (embouchures des fleuves, zones de travaux sur les côtes…).

Les avantages et limites de la solution

  • Pour l’analyse de panaches de turbidité de plusieurs km², le satellitaire a été retenu comme la solution optimale. L’accès à l’imagerie satellitaire est, à approximativement, dix fois moins cher que l’accès aux données via des relevés GPS, et ce pour une emprise territoriale dix fois plus grande.

Evaluation socio-économique

  • Moins les eaux sont profondes, plus il est délicat d’interpréter finement leur turbidité sur des images Sentinel-2. A moins de 10 m de profondeur, les analyses sont faussées du fait de la réflectivité de certains éléments tels que les barres sédimentaires (bancs de sable du fond où se cassent les vagues avant d’arriver sur la plage).
  • Entre l’interprétation des images satellitaires, les relevés réalisés par des capteurs en mer et les relevés GPS pris par un agent sur le terrain, les écarts de données sont parfois importants. Pour l’évaluation des surfaces ou des concentrations de matières en suspensions (MES) des panaches turbides, ces écarts paraissent insignifiants. Pour des indicateurs qui doivent être plus précis (ex. mesure du trait de côte pour la construction d’un aménagement côtier), ces écarts doivent être minimisés. Il est alors nécessaire d’utiliser des images satellitaires de très haute résolution (ex. : Pléiades), de développer des algorithmes de détection sur les images validées et de les éprouver par des tests comparatifs avec des mesures prises directement sur le terrain (relevés GPS, etc.).

Dispositif de financement utilisé

A l’automne 2020, l’objectif est d’obtenir une matrice permettant de visualiser, en parallèle, tous les indicateurs à analyser (bloom phytoplanctonique mais aussi trait de côte, couvert végétal dunaire…) et les images satellitaires à mobiliser pour réaliser ces analyses.

Cette démarche se veut reproductible et réutilisable, notamment par les autres aires marines protégées françaises (9 aires sur l’ensemble du territoire, y compris les Outre-mer). Des échanges ont déjà lieu entre parcs pour identifier des méthodes à partager au sein de l’Agence française de la biodiversité (AFB). Sont aussi au programme : des publications scientifiques, des présentations lors de colloques thématiques…

Il existe une réelle volonté de suivre de façon opérationnelle, sur plusieurs années, l’évolution du trait de côte, des panaches turbides… Car nombreux sont les projets de dragage de ports, de recharge de sable sur les plages, d’installation d’infrastructures (et donc de saignées de sédiments) en haute-mer et de préservation du patrimoine touristique marin.

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